Petit, on rêve d’être astronaute, pompier, footballeur, rarement libraire. Pourtant, beaucoup de fantasmes entourent cette profession. On dit des libraires qu’ils gobent les livres comme des avaleurs de sabre et qu’ils aiment plus quiconque l’odeur de l’encre sur le papier. Audrey Hepburn dans le film « Drôle de frimousse » et Hugh Grant dans « Coup de foudre à Notting Hill » ont joué de leurs charmes pour poétiser un peu plus ce métier destiné aux amoureux des belles histoires. Mais aimer les Lettres ne suffit pas à tenir un commerce. D’autant plus lorsque celui-ci est frappé par une crise plus globale. Petit résumé d’une profession en pleine reconversion.
La petite librairie connait la crise
Dans les années 60, lorsqu’on voulait s’acheter un livre, on s’adressait à un libraire en blouse à son comptoir. Il attrapait alors derrière lui des livres disposés sur la tranche, verticaux. Tout un cérémonial. Puis un beau jour, les livres ont trouvé une place sur des tables, à plat. On pouvait les toucher, les feuilleter. A cette époque, les prix étaient proposés par les éditeurs et les libraires s’en sortaient convenablement . Mais en 1974, la Fnac apparait et casse les prix à tel point que l’Etat, sous la houlette de Jack Lang, est obligé de réagir en votant la loi des prix uniques. Aux éditeurs désormais de fixer les marges des libraires. Depuis les crises se renouvellent inexorablement. Aujourd’hui, ce sont Auchan ou Leclerc qui viennent marcher sur les platebandes des libraires avec leur gros sabots de géants de la distribution.
Mais le véritable ennemi est américain et tient en six lettres : Amazon. Depuis son arrivée en France en l’an 2000, c’est la bérézina. La part de marché d’Amazon dépasse désormais les 20% et les libraires indépendantes baisent leur store de ville en ville et même de quartier en quartier. En plus de cette guerre menée contre le géant des prix bas et du livre numérique, ils doivent affronter la baisse générale du marché, l’érosion du nombre de grands lecteurs et les loyers en augmentation dans les centre-ville. Le monde feutré des Lettres est en pleine crise. Alors comment se réinventer pour ne pas sombrer ?
La parade des libraires indépendantes
Malgré la concurrence toujours plus acerbe, la librairie reste le premier vecteur de distribution des livres. Et le libraire se doit d’être aujourd’hui plus qu’un simple vendeur de vieux grimoires ou de romans. Pour attirer les clients, il se doit de jouer un rôle d’animation autour du livre. Vitrines alléchantes, tables thématiques, rencontres avec les auteurs, la libraire indépendante joue désormais à 100 % la carte de la proximité avec les lecteurs. Le conseil est d’ailleurs devenu l’une des vraies spécificités du libraire face à l’algorithme des recommandations d’Amazon. Le libraire épluche la presse, écoute les émissions qui lui sont consacrées pour s’informer sur l'actualité du livre, et pouvoir mieux conseiller le public et lui faire partager ses coups de cœur.
Mais la grande bataille des libraires indépendantes est également celle du temps. Aujourd'hui, un lecteur ne veut pas attendre et préféra cliquer sur Internet plutôt que de passer commande. Pour ne pas perdre ses ventes, éditeurs et libraires essaient de mettre en place une distribution plus rapide. Certains voient même dans l’impression à la demande l’avenir de la librairie : une imprimante sur laquelle les clients pourraient imprimer instantanément les livres qu’ils désirent. Après avoir été vendeur, conseiller, les libraires seront peut-être demain des imprimeurs !
Libraire, une profession en pleine évolution
Avant, on pouvait devenir libraire sur un coup de tête. Mais de nos jours, il est quasiment impossible d’être autodidacte et de se former sur le tas. On apprend le métier à l’université ou en passant un CAP d’employé de librairie-papeterie. En effet, les jeunes libraires doivent avoir de multiples compétences. Si le débutant – idéaliste – a choisi cette profession pour l'amour des mots, il doit savoir qu’il passera beaucoup plus de temps à faire des factures et gérer ses stocks qu'à déguster le dernier Musso ou à relire Proust.
Les muscles (pour porter les kilos de livres reçus chaque jour) et le sens de l'organisation ont également une importance cruciale dans ce métier qui a évolué au fil des années et des progrès informatiques. Désormais, le libraire doit tout savoir sur les réseaux de distribution, maîtriser les techniques de vente et de gestion : commande des ouvrages, approvisionnement, traitement des codes-barres, inventaires, mise en valeur des rayons et de la vitrine… Et ce pour un salaire qui coïncide rarement avec le niveau d’études généralement élevé. Un vrai métier de passionné !