Yves rocher n'est plus un petit caillou dans l'industrie des cosmétiques


Entre innovation et démocratisation, il apparaît très compliqué de prendre Yves Rocher en défaut. Tant l'homme que la marque éponyme – depuis quelques années gérée par son « clan » – entretiennent une image, des valeurs comme des combats plus qu'honorables. Si honorables que cela ? Bien que l'éthique reste davantage présente qu'ailleurs, des ombres nuisent au tableau idyllique couramment en vogue. Dans le même temps, Yves Rocher pourrait tout à fait servir d'exemple en terme de réussite entrepreneuriale comme marketing. Souhaitant aujourd'hui donner un nouveau souffle à une marque pourtant en excellente forme – au rythme de croisière confortable – Yves Rocher s'avère désormais devoir défendre plus chèrement ses positions et ne pas se reposer sur ses lauriers. Se démarquer sur un marché toujours davantage saturé par des acteurs parfois extrêmement proches du fond de commerce du géant français ; accentuer une engagement écologique quelque peu ambiguë et dissonant au fil des années ; voilà les gageures que la marque va devoir s'employer régler.
 

L'entreprise modeste d'un passionné de nature

Durant sa quatorzième année, en 1956, Yves Rocher, fils de chapelier, aurait potentiellement pu révolutionner le marché de la chapellerie – et hypothétiquement devenir fou en s'y essayant. Cependant, sa rencontre avec une guérisseuse exacerbant son intérêt pour la nature – et les puissantes capacités thérapeutiques des plantes – en décida autrement. Récupérant la recette d'une pommade hémostatique (pour simplifier : coagulante), qu'il complète avec de la ficaire antihémorroïdale, le jeune homme installe un atelier/laboratoire dans le grenier de la maison familiale. Il lance dès lors une fabrication toute modeste qu'elle soit, en faisant la publicité dans la presse locale. Il rencontre rapidement un certain succès du simple fait de l'efficacité de son produit et de l'argument naturel. La Cosmétique Végétale était née. La sortant du giron des guérisseurs, guérisseuses et autres apothicaires Yves Rocher la capte et devient celui qui en fera une marque déposée.
 
Au cœur d'un marché des cosmétiques – à l'époque élitiste et peu fourni – la démocratisation de produits accessibles n'en est que plus retentissante. Ces mêmes produits ont d'autant plus d'impact du fait de leur aura « saine » générée par le 100 % nature dans l'imaginaire collectif. Vient alors l'idée qui lancera véritablement l'enseigne à grande échelle : une vente à distance inédite, par retour de coupons réponse à découper dans la presse. Très vite forte de 5.000 adresses pour autant de clientes, la marque cible spécifiquement les femmes et leur bien-être pour un moindre coût. D'ores et déjà dans une optique écologique et éthique dictée par une passion sincère, Yves Rocher ne peut décemment plus se contenter de son petit laboratoire et fait construire en 1969 sa première usine à La Gacilly – soit toujours dans son village natal qu'il désespérait de voir se vider. Celle-ci traite toutes les commandes de produits ayant trait aux soins du corps. Soins du corps, en effet, puisqu'une levée de bouclier des pharmaciens l'avait bouté hors des produits purement médicaux, forçant le futur magnat des affaires à choisir un créneau moins réglementé.
 
 

Avant-gardisme et réponse à une demande : montée en puissance du modèle Yves Rocher

Le véritable coup d'envoi de la marque Yves Rocher survient ensuite en 1959, lorsqu'elle est déposée. Son premier magasin ouvre, lui, trois années plus tard et l'usine des origines est suivie – à des intervalles d'environ dix ans – d'une seconde située à Rieux pour la production de maquillage, puis d'une troisième à Ploermel, cette fois-ci prenant en charge la parfumerie. Enfin, la plus récente s'établit aux Villes Geffs pour tout ce qui est hygiène et soins. Avec une usine par décennie et un catalogue Le Livre Vert, lancé en 1965, pour promouvoir la beauté abordable par les plantes, l'enseigne croit exponentiellement. Proche de sa clientèle et bénéficiant d'une image à forte valeur ajoutée – bien avant que les sujets de l'écologie et du bio n'arrivent sur le devant de la scène – cette aura n'en devient que plus grande au fil des ans. À la fois récoltant, concepteur, fabricant et distributeur, Yves Rocher a toutes les cartes d'un succès commercial autant qu'éco-responsable avant l'heure. Ouvrant ses premières boutiques sous franchise (appelés « Centres de beauté ») dans les années 1970,  la marque se développe, mais s'exporte également et notamment en Belgique. Espagne, Allemagne ou Scandinavie sont autant de terrains où Yves Rocher prospère. L'enseigne s'emploie dans le même temps à sortir d'Europe et à impacter le marché américain. Mais sa clientèle la plus nombreuse, il la dénichera en Russie, en tant que seconde marque internationale après le géant américain du fast food à s'établir sur le territoire. Le groupe y dépasse rapidement le millions de clientes après une implantation en 1991. La même année, la Fondation Yves Rocher voit le jour pour défendre et promouvoir les valeurs du groupe au travers d'initiatives caritatives.
 
Développant une filiale en Chine durant la première décennie 2000, tout le réseau bénéficie non seulement de la qualité – apparemment – exigée par Yves Rocher, mais aussi de ses divers modes de distribution. À la vente par correspondance, puis aux boutiques classiques, la marque adjoint la vente à domicile ou « par relation », puis la télévente et, enfin, le e-commerce. Premier site de cosmétique en France, la plate-forme dépasse les 1.5 millions de visites chaque mois. Se tournant dorénavant vers la vente par applications mobiles, Yves Rocher innove également en proposant une carte de fidélité réinscriptible. Dite carte de fidélité proposant régulièrement des cadeaux ou bénéfices aux client(e)s fidèles. Là réside d'ailleurs une partie du succès de l'enseigne, qui n'a pas hésité à passer par de nombreuses offres commerciales de plus ou moins d'importance – souvent sans contrepartie ou obligation d'achat – pour fidéliser sa clientèle et se démarquer. Jouissant d'ores et déjà d'une réputation positive, pouvant se permettre quelques largesses bien vite compensées, le groupe a ainsi consolidé sa position de marque favorite en France grâce à son apparente générosité. Ainsi, outre ses engagements écologiques et éthiques, cette astuce y va de son petit effet – durable qui plus est – et Yves Rocher en arrive à se placer troisième au classement des enseignes préférées de l'Hexagone en 2014.
 
 

Un ancien monopole dans la balance

D'une vente à distance des origines atteignant le chiffre – déjà honorable – de 5.000 adresses, Yves Rocher en est venu à pouvoir en afficher 40 millions internationalement. Avec 300 millions de produits dispatchés chaque année de par le monde, quelques 2 milliards d'euros de chiffre d'affaire, 15.000 salariés, 220.000 collaborateurs indirects et cinq usines entourées de 55 hectares de champs bios (représentant toujours un tiers des matières première utilisées), il est possible de dire que l'enseigne se porte bien. Et pourtant, Yves Rocher n'est plus seul sur le marché, loin de là. Si la position ambiguë d'homme d'affaire – dans le même temps engagé en politique –  de son fondateur et PDG a été remise en cause. Si la promotion de sa région ou certains de ses combats écologiques ont été questionnés, ce n'est pas ce qui menace la marque. La concurrence a en effet forci depuis le siècle précédent, y compris sur le créneau du bio et d'une cosmétique plus respectueuse. L’âge d'or de l'enseigne se situe en conséquence plutôt derrière elle et, quand bien même son importance n'est pas prête de vaciller en France, le marché est disputé bien plus âprement et pied à pied. Il faut donc innover, Yves Rocher s'y attelant avec un nouveau concept : Les Ateliers de la Cosmétique Végétale ainsi qu'une refonte de son identité visuelle (notamment du logo). Changements qui surviennent successivement en 2008, puis 2009. Cette nouvelle identité se voit vite adoptée par 220 magasins sur les 1600 que compte l'enseigne. Elle propose, outre la nouvelle image, d'axer la communication sur l'accessibilité, la proximité et la simplicité, de même que sur les valeurs fondatrices de la marque et son savoir-faire éprouvé et, a priori, rigoureux. Nouveauté également : l'ouverture des gammes aux hommes. Certes, il est possible de remarquer que rien n'empêchait les intéressés d'acheter des produits marquetés « pour femme » – ces matières n'étant pas forcément regardantes sur quelle peau elles étaient appliquées. Mais, désormais, la marque développe cette approche ouvertement et amplement, l'intégrant à sa communication et y trouvant certainement le bénéfice du gain doublé d'un marketing genré. Vivant majoritairement avec son temps, le groupe Yves Rocher poursuit donc une saga commerciale aux ratés assez peu visibles... du moins en surface.
 
En creusant légèrement, il est possible de découvrir que les engagements pour éviter les tests sur les animaux dont le groupe s'est vanté ont été, semble-t-il, contournés en laissant les fournisseurs tester les matières premières pour qu'Yves Rocher puisse se dédouaner de tout test du produit fini. Ou encore qu'une grande partie du capital a longtemps appartenu au groupe Sanofi Aventis, géant pharmaceutique pas spécifiquement connu pour ses  pratiques philanthropiques ou éthiques. On peut, par contre et au passage, saluer le rude combat pour faire sortir Sanofi du capital de l'entreprise tout en s'interrogeant sur les motivations dudit combat : défense de valeurs ou récupération de profits ? Enfin, bien que le Yves Rocher des origines ait été purement végétal et bio au temps de l'« invention » de la cosmétique végétale – qui existe en fait depuis des millénaires dans de nombreuses cultures – et bien qu'il fasse de gros efforts depuis quelques années pour retourner vers cet état de nature, la marque n'a pas évité les mêmes écueils que ses concurrents. Taxée de « greenwashing » par certains (mettre en avant un côté éco-responsable, mais uniquement en apparence), l'enseigne n'a pas toujours les produits de sa communication. Ses champs bios, sont ancrage local et son Jardin Botanique parlent pour elle, mais le résultat en rayon semble correspondre, peu ou prou, à d'autres compositions incluant nombre de dérivés pétrochimiques, pour peu de plantes. Pour autant, on sait que l'entreprise reste aux mains de la troisième génération de la famille Rocher – la possédant aujourd'hui à plus de 95 % ! Gage, espérons-le grâce à ses 15 héritier(e)s, de la survie d'un certain « esprit Rocher » gardant des valeurs à cœur. Valeurs pouvant bénéficier au renouveau d'un Yves Rocher toujours plus vert, malgré un long chemin restant à parcourir pour rattraper son dévoiement. Par ailleurs, Yves Rocher n'est pas que... Yves Rocher. Le groupe Rocher compte diverses autres marques à succès lui permettant plus de largesses et une assise confortable pour manœuvrer. Daniel Jouvance, créée par un des fils Rocher, en est un exemple. Petit Bateau, Stanhome, Dr Pierre Ricaud ou IDparfums en sont autant d'autres. Ces diverses filiales font du groupe dans son ensemble un acteur majeur de l'apparence et du bien-être dans le monde. Il est ainsi bon d'espérer, Yves Rocher en tête, que toutes ces marques tendrons à s'améliorer et à gagner les galons d'une l'éthique, pour l'instant toujours à géométrie variable. De l'apothicaire possédant son petit laboratoire à la multinationale, Yves Rocher a, en tous les cas, parcouru du chemin bon an mal an et, en définitive, on ne peut lui enlever – malgré les zones d'ombres de son empire – d'avoir toujours été l'un des plus en pointe sur les végétaux appliqués au bien-être humain.
 

Infos pratiques :
 
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ou écrire par courrier à :
 
Service Clients Yves Rocher
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